“ Même si les imprécisions sont nombreuses, ce livre sortie en 1902, est le premier livre totalement consacré à l’art du bonsaï dans une autre langue que le japonais ou le chinois.”
—
Albert MAUMENÉ
Les arbres nains japonais
Leur formation au Japon.
Leur utilisation et leur traitement en Europe
—
ILLUSTRÉ DE 16 GRAVURES DANS LE TEXTE ET HORS TEXTE
1902
À
M. YOSHIDA Secrétaire de la Société d’Horticulture du Japon à Tokyo et à M. Théo ECKARDT de la maison Louis Bœhmer à Yokohama.
Tous droits de reproduction et de traduction réservés en France et à l’étranger, y compris la Suède et la Norvège.
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITREI. – Le dressement des Arbres nains
I. Esthétique japonaise. –
II. Causes physiologiques de nanisation et de déformation des végétaux. –
III. Les amateurs et dresseurs d’arbres renommés. –
IV. Les différentes formes d’arbres et leur classement. –
V. Scènes et jardins minuscules. –
VI. Les végétaux se prêtant à la nanisation. –
VII. Importations d’arbres nains. –
CHAPITREII. – Procédés japonais de nanisation des Arbres
I. Semis et éducation. –
II. Arrangement des branches. –
III. Suppressions et mutilations des racines. –
IV. Dressement des vieux arbres. –
V. Arbres aux racines aériennes. –
VI. Torsions du tronc et des branches. –
VII. Rôle du Greffage. –
VIII. Simulacre de Greffage. –
CHAPITREIII. – Utilisation, Traitement et conservation des Arbres japonais en Europe
I. Utilisation décorative. –
II. Conservation des sujets importés. –
III. Tailles et pincements. –
IV. Rempotages et surfaçages. –
V. Engrais. –
VI. Hivernage et traitement des Conifères. –
VII. Hivernage et traitement des végétaux à feuillage caduc
SOURCES DE DOCUMENTATION
Nous avons cru bon, afin de nous documenter, de ne pas nous en tenir aux renseignements venus en droite ligne du Japon et de ne pas faire seulement état de nos observations personnelles. Nous avons donc consulté avec le plus grand intérêt la brochure et les articles de :
BING (S.). –Arbres nains du Japon Catalogue d’une collection d’arbres nains du Japon. Paris 1902. Une brochure in-12 de IX + 46 p. et 10 planches.
CARRIÉRE (E.-A.). –Essais sur l’horticulture japonaise(1). La Revue horticole, p. 271. Paris 1878.
— Japonaiseries. (La Revue horticole, p. 374). Paris 1889.
DYBOWSKI. –Le Jardin japonais. La Nature, 2esemestre, p. 232, Paris 1889.
MAURY. –Sur les procédés employés par les Japonais pour obtenir des arbres nains. Bulletin de la Société de Botanique de France, p. 290. Paris 1899.
THE YOKOHAMA NURSERY. – How the Japanese grow the dwarfed trees in jardinieres(2) (Comment les Japonais font pousser les arbres nains dans les jardinières) ; in The Gardeners’ Chronicle, t.II, p. 466. Londres 1899.
VALLOT (J.) (1). –Causes physiologiques qui produisent le rabougrissement des arbres dans les cultures japonaises. Bulletin de la Société de Botanique de France, p. 284. Paris 1889.
1- Il convient d’ajouter que MM. Carrière et Vallot ne traitèrent pas le sujet d’une façon précise. Ils n’émirent que des hypothèses fort sensées, et dont la plupart se trouvaient conformes à la réalité.
2- Dans cette étude, il n’est nullement question des procédés de nanisation mis en œuvre par les Japonais, mais simplement des soins culturaux appliqués par ces derniers aux arbres déjà dressés ou en voie de formation.
L’art nain au Japon
On vend de tout à l’hôtel Drouot, des peintures de maîtres, des objets d’art, des meubles anciens et de prix, des livres rarissimes à côté de choses les plus hétéroclites, des coffres-forts aux flanc vides ; mais, jusqu’à présent, on n’avait pas encore entendu un expert estimer un Cèdre séculaire qui aurait permis à Bernard de Jussieu de renouveler sa prouesse ni quelque Érable septuagénaire et fantastique.
Il faut être né japonais pour imaginer de pareils tours de force, les forêts nippones transformées en joujoux parisiens, les géants devenus mignons sans que leur silhouette soit altérée grâce à de longs efforts, un art spécial et une patience à toute épreuve. Réduire en plantes de salon les arbres les plus grands est curieux et original comme toute idée japonaise et permet de placer un Pin de deux siècles sur sa table de travail, un Prunier octogénaire sur le guéridon du boudoir. L’arbre nain devient un objet d’art qui, pour les amateurs, s’estime à l’égal d’un tableau de maître.
Pouvons-nous obtenir les mêmes résultats en Europe en utilisant les mêmes essences? C’est ce que nous ne voulons pas affirmer, car il y a incontestablement là un art que nous ne comprenons pas, parce qu’il ne répond pas à nos aspirations.
L’art de rapetisser les arbres les plus puissants fait partie de l’éducation de l’élite japonaise, il a ses écoles et ses célébrités. Les jeunes personnes fortunées y consacrent le temps que les demoiselles françaises réservent à l’étude du piano, ce qui indique une compréhension et une conception des choses toutes différentes des nôtres.
Pour les Japonais, le jardin est le salon du dehors, et le salon, le jardin intérieur. Ils veulent avoir toujours l’illusion d’un paysage de la libre nature ; avec cette prodigalité qu’elle a mise
à embellir les sites agrestes, les Japonais, qui ont un rare talent d’imitation, un esprit fin et observateur, devaient être un peuple d’artistes.
Les arts de l’Extrême-Orient reproduisent également(une nature bien différente de la nôtre et des habitudes de notre observation journalière ; ils ne sont pas exempts de formules conventionnelles imposées par la tradition et les règles religieuses. Pour goûter ces œuvres, à défaut d’éducation, il faut une accoutumance pour se faire aux lignes contournées qui charment au premier abord.))
Le talent des jardiniers ne consiste pas à faire simplement croître et fleurir de belles plantes. Leur ambition est plus grande : les arbres cultivés dans les potiches doivent rappeler, par leur aspect, ceux qui croissent sur le flanc des montagnes, aux bords des ravins et, tout en restant nains, il faut qu’ils conservent les formes majestueuses ou originales de leurs silhouettes.
A côté de la partie artistique, le dressement de ces arbres est à la fois l’œuvre du temps, puisque la vie d’un homme y suffit à peine, de la patience, et de la ténacité. Ceux-ci demeurent l’expression de nombreuses années de vie opiniâtre, de privations et de luttes pour l’existence. Il faut les doigts caressants des Japonais, leurs mouvements souples, menus et précis et surtout leur esprit de suite, pour courber, contourner, lier ces branches frêles et faire de ces géants des arbres lilliputiens de jardinière, qui deviennent centenaires.
Aussi, la littérature japonaise, qui va du roman de chevalerie en cinquante volumes au simple distique appelé ((outa)) a pris l’arbre nain comme symbole de la pérennité :((Mon corps ne peut pas durer plus que la fleur du Cerisier, écrit la fiancée à son bien-aimé, mais mon amour durera plus encore que l’arbre nain du jardin…))
Ayant été amené à la suite de l’exposition et de la vente d’une collection d’arbres lilliputiens importés à grands frais du Japon, à traiter la question si attrayante de la nanisation des arbres, dans le pays du Mikado, nous avons cru bon de réunir ces notes en une plaquette qu’illustrent quelques photogravures obligeamment prêtées par M. Bing et par M. le Dr Masters, directeur du Gardeners’ Chronicleet celles établies d’après des photographies reçues du Japon. Ajoutons que M. Adatci, premier secrétaire de la légation du Japon à Paris, a bien voulu se charger de la traduction des principaux titres en japonais.
Ce sont les détails minutieux de la formation de ces arbres, ainsi que des notions sur les soins essentiels qu’ils réclament en Europe, que nous relatons dans les lignes suivantes.
CHAPITRE I
LE DRESSEMENT DES ARBRES NAINS
I. Esthétique japonaise.
II. Causes physiologiques de nanisation et de déformation des végétaux.
III. Les amateurs et dresseurs d’arbres renommés.
IV. Les différentes formes d’arbres et leur classement.
V. Scènes et jardins minuscules.
VI. Les végétaux se prêtant à la nanisation.
VII. Importations d’arbres nains.
— Esthétique japonaise.
Aux futaies majestueuses, aux ombrages séculaires, au libre développement des végétaux, les Japonais, qui ont créé l’art de rapetisser les choses, préfèrent les arbres minuscules, les forêts lilliputiennes, qui constituent des étrangetés à nos yeux. Ces arbres plantés dans de minuscules jardinières ou dans des plateaux très bas présentent, en miniature, l’aspect et les caractères de leurs congénères croissant librement en pleine terre, et la plupart portent les stigmates du temps ainsi que les traces évidentes de leur dressement : troncs noueux et rabougris, rameaux tordus et contournés, feuillage rare et chétif.
Les aspirations des Orientaux, leurs goûts, sont différents des nôtres ; cela tient autant aux traditions de leur nation, qu’à leur esthétique et qu’au milieu dans lequel ils vivent. En général, au Japon, les hommes sont petits, les maisons aussi, — ces dernières afin de mieux résister aux éléments, — des jardins minuscules aux décors mignons les entourent ; les grands arbres y seraient disproportionnés et aucunement en harmonie avec la nature. On conçoit donc que ces hommes aient la passion des arbres minuscules, des plantes naines et de tout ce qui est contourné, vu en raccourci, puisque cela s’accorde mieux avec les dimensions de leur petite personne. Ils ont, de ce fait, une telle prédilection pour tout ce qui est menu et petit, que ce qui est diminué de taille semble être pour eux synonyme de perfection ; de là leur goût pour la nature miniaturisée.
Pour obtenir de tels résultats et contraindre de grands arbres à se transformer en nains, ce qu’il faut de soins, d’observation constante, de patience et de ténacité est inimaginable. Car si l’arbre nain perd une de ses branches, ou son caractère, par un rameau mal dirigé, il n’a plus autant de valeur.
On a dit que ces végétaux pouvaient être mis en parallèle avec des monstruosités ou avec des personnes contrefaites ; le rapprochement n’est pas toujours logique, car il y a une véritable contrainte exercée sur un arbre, qui, non gêné dans son accroissement, se fût développé librement, et l’on sent plutôt qu’une volonté tenace et patiente l’a plié à ses exigences.
Il ne serait donc pas exact de comparer les plantes naines obtenues dans les cultures européennes avec ces arbres miniatures que les Japonais excellent à dresser. Tandis que la (( nanisation )) des plantes est poursuivie chez nous par voie d’hybridation et de sélection principalement, auxquelles s’ajoutent quelques opérations culturales, notamment les pincements, afin d’approprier ces plantes à certaines utilisations, elle est au Japon le résultat d’un traitement spécial et suivi, car telle semence provenant d’un de ces pygmées, ne saurait en donner d’autres directement. Nous pouvons même ajouter que plus d’un de ces((quasimodos))mis en pleine terre ne tarderait pas à s’échapper des limites étroites dans lesquelles il est enserré.
Nous considérons, d’autre part, qu’il ne saurait y avoir de corrélation, ni aucun élément de comparaison entre les végétaux dressés par les chinois et les arbres nains japonais, tellement le but visé et les procédés mis en œuvre sont différents. M. Albert Tissandier, qui a vu ces arbres sur place, indique, dans La Nature(1891, p. 360 et 1902, p. 86) la façon dont les jardiniers chinois les préparent.
Une armature en fil de fer représentant divers personnages, un animal ou un objet quelconque, étant posée sur le vase, on palisse dessus les rameaux de la plante ; lorsqu’ils veulent silhouetter des personnages, la tête, les mains et les pieds sont en faïence peinte. Dans d’autres cas, des Ifs sont taillés et torturés en forme de mandarins on d’autres personnages.
On conçoit donc aisément que les végétaux japonais n’aient qu’une lointaine ressemblance avec ceux de Chine, ceux-ci étant dressés d’une façon antinaturelle et fort différente.
— Causes physiologiques de nanisation et de déformation des végétaux.
La nanisation ou, pour être plus exact, l’atrophie de ces végétaux est le résultat de causes physiologiques qui sont elles-mêmes la conséquence, soit des procédés culturaux employés, soit, du milieu où se trouvent ces végétaux. Il faut même voir les deux dans la formation des arbres lilliputiens des nippons, car le climat du Japon joue un rôle prépondérant dans la végétation qu’il prédispose à rester naine.
L’altitude, la chaleur sèche, les froids persistants, l’insuffisance de nourriture, l’espace restreint pour les racines, le manque de nutrition dans le jeune âge des végétaux, les vents qui les couchent ou qui brisent l’axe, sont autant d’éléments qui déterminent le rabougrissement des végétaux, que M. Vallot a fort bien décrits, que tout le monde peut observer au cours d’excursions dans les montagnes, dans les rochers de la côte d’azur et dans les lieux arides, et qu’il serait trop long d’énumérer ici en détail.((Une Conifère dont la flèche est coupée, dit-il avec justesse, subit un temps d’arrêt ; si cette opération est recommencée successivement lorsque l’arbre commence à se remettre, le retard deviendra de plus en plus grand et l’arbre restera noueux, déformé et rabougri)).
Toutes les opérations culturales portant sur le sujet et sur son alimentation : recépages continus, torsions et contournement des rameaux, rempotages étroits, taille des racines, etc., qui peuvent paralyser les fonctions vitales, entraver la circulation de la sève, ralentir la nutrition, provoquent fatalement un arrêt dans la végétation, se traduisant par une réduction très notable et parfois une déformation du port de la plante, et en préparent la nanisation. Cela serait surtout une affaire de temps et de persévérance, si les japonais n’apportaient, en plus, des sentiments d’esthétique et un certain art au dressement de leurs arbres pygmées.
C’est pourquoi les mêmes sujets, mais moins maniérés dans leur ramure, se rencontrent à chaque pas sur les flancs de la montagne, dans les fissures des rochers et dans toutes les situations où les végétaux luttent contre les éléments naturels, pour leur existence. Les procédés employés par les japonais ne sont donc pas aussi anti naturels qu’on tend à l’affirmer. Il ne faut pas oublier, en effet, qu’ils sont plus des imitateurs habiles et subtils autant que des esprits avisés, que des créateurs, au sens complet du mot ; tout dans les industries et les arts nippons le démontre d’ailleurs surabondamment.
— Les amateurs et dresseurs d’arbres renommés.
Le dressage des arbres nains se pratique depuis des siècles au Japon et en Chine avec une véritable passion d’art. On se transmet de génération en génération ces produits d’une collaboration de l’homme et du temps, et certains exemplaires parfaitement réussis, présentant, soit une conformation particulière obtenue d’après un plan initial ; soit, en réduction, la silhouette exacte qu’il a dans la nature.
Cet art japonais a ses écoles et ses célébrités, aussi bien amateurs que professionnels, comme en Europe la peinture et la sculpture. Eséki, Chokarô, Murano, OEsopé, Magoyémon qui était expert dans le dressage des Pins, la famille Ito qui s’occupait de préférence des Chamæcyparis et des Thuya, ont formé à Tokyo et dans les autres centres des élèves renommés : Nishé de Idéka, Také de Denchu, Tanaka, Takaghè, Terano de Yamamoto.
Chacun de ces artistes a signé de ces œuvres végétales qui ont atteint et ont toujours une valeur élevée qui égale parfois celle d’un tableau. Mais ces arbres sont particulièrement soignés, car le moindre manquement à la forme est une tare originelle.
— Les différentes formes d’arbres et leur classement.
Indépendamment des efforts faits pour conserver à certains arbres demeurés nains leur faciès naturel, ils tendent à obtenir des formes suivant des diagrammes de lignes et d’après une esthétique bien définie qui n’est pas étrangère à l’esthétique de l’art floral japonais.
La meilleure preuve, c’est que les arbres nains sont classés en sept groupes principaux bien définis qui ont reçu les appellations suivantes :
Bonsaï: miniature d’un arbre ayant conservé son port et son aspect naturels (fig. 4, 9, 13).
Mikoshi : arbre nain dont la base est dénudée et rappelle les arbres à tige (fig. 3, 15).
Kengaï : végétal surplombant un tertre ou dont la ramure semble s’étendre au-dessus d’une roche (fig. 7, 12).
Nazashi : arbre nain aux branches penchées ou retombantes (fig. 5).
Jikki : arrangement régulier de branches (fig. 2, 6, 10, 11).
Neazari : arbre ou arbuste dont on s’est attaché à mettre la partie supérieure des racines à nu (fig. 8, 11, 13).
Bonkaï : réunion dans un même vase de plusieurs végétaux nains, formant soit une groupe, soit une scène pittoresque (fig. 1).
On peut encore simplifier ce classement en l’établissant en deux grandes sections.
1° Les arbres présentant une réduction exacte, ou à peu près, tout en conservant leur port et leur faciès normaux et qui constituent une réduction photographique, si bien qu’en les
examinant, sans autre point de comparaison ils paraissent être vus par le gros bout d’une lorgnette.
2° Ceux qui ont subi une modification de formes dans leur dressement, suivant une théorie de lignes faciles d’ailleurs à déterminer.
— Scènes et jardins minuscules.
Il nous faut ajouter qu’en s’inspirant toujours des mêmes principes ils forment aussi, dans un simple plateau, des jardins minuscules de quelques décimètres carrés, de petites scènes pittoresques, par une heureuse disposition de diverses plantes, sur un tertre en miniature, parfois flanqué d’une roche ; le tout, en général, bien proportionné et montrant en réduction quelques sites de jardins japonais renommés. Ils renferment dans ces silhouettes l’évocation d’un paysage gracieux et puissant, d’après un plan initial qui permet de diriger l’arrangement général, car rien n’est laissé aux fantaisies du hasard. Cela est fait avec une réelle connaissance de la loi des proportions et donne l’illusion d’un véritable paysage.
Nous avons vu dans un plateau, une minuscule reproduction de l’île Misaka constituée par : un Pin tordu, un Cryptomeria échevelé, un Kirisima et un Bambou enchevêtrant leurs rameaux et abritant sous leurs frondaisons de petites maisonnettes en bronze devant lesquelles semblaient se mouvoir d’imperceptibles personnages de faïence. Dans un autre plateau était un autre jardin miniature que dominait la capricieuse et tourmentée silhouette d’un Pin, au-dessus d’un Thuya dressant son tronc noueux sur un rocher qu’enserraient, comme de petits filaments
rouges, les racines de cet arbre semblables à des serpents ; tandis qu’exquis de finesse et de forme, un petit Érable portait sa délicate ramure couverte de feuilles de colorations différentes au-dessus d’un petit portique.
La figure 1 montre un de ces paysages en réduction, fort bien conçu, et un véritable coin de nature miniaturisée ; le sujet fut exposé au Temple Show, à Londres cette année ; il se composait de roches et troncs de Fougères avec une végétation de Pins et de Thuya obtusa.
Après avoir modelé le sol du dessus d’une jardinière, comme il le ferait avec de la glaise, de façon à représenter le relief exact du terrain qu’il veut représenter, le jardinier ajoute quelques fragments de rochers toujours proportionnés avec l’ensemble, si la scène en comporte ; puis il présente les végétaux choisis, lesquels sont déjà dressés, aux emplacements qui leur sont réservés, et ne les plante qu’autant qu’ils produisent l’effet désiré et accentuent le caractère de vérité de ce paysage en réduction. C’est ensuite qu’il dispose ses constructions, vases, portiques, et met en scène les personnages qui doivent donner la vie au paysage.
Il n’y a rien qui soit antinaturel dans cet arrangement et souvent même lorsque le sujet à représenter se trouve être un rocher escarpé, un coin de nature sauvage, il omet tout ce qui pourrait être artificiel et ne place que des touffes de végétaux qui, d’avance, s’enchevêtrent les uns dans les autres, pour montrer la différence existant entre cette nature inculte et leur jardin peigné, soigné, bichonné à l’instar de leur personne.
N’est ce pas en même temps créer l’illusionnisme le plus charmant et supposer maintes rêveries devant ces paysages lilliputiens?
— Les végétaux se prêtant à la nanisation.
Il est évident que les Japonais doivent choisir les essences qui se prêtent le mieux à cette nanisation et à la déformation qu’on leur fait parfois subir en tenant compte de leur nature.
Ce sont les conifères qui constituent les végétaux de prédilection pour la formation de ces pygmées et parmi celles-ci les: Chamæcyparis obtusa, C. o. breviramea, (que les Japonais nomment variété verte) C. o. filicoides aurea (désignée au Japon sous le nom de variété d’or); Pinus densiflora,P. d. albiflora (le Schiraga m’ats’su), P. Parviflora, P. p. brevifolia,P.pentaphylla, P. Massoniana, P. Thunbergi;Podocarpus Nageia, P. N. vareigata, (nommée variété blanche), P. macrophylla, P. okina;Larix leptolepis; Juniperus rigida, J.procumbens, J. chinensis, J. Sabina (Ibouki) ; Cryptomeria japonica; Ibouki (CupressusCorneyana); Sciadopitys verticillata; Thuyopsis dolabrata, Tsuga Sieboldii, Ginkgo-biloba, etc.
Cela pour plusieurs raisons, d’abord parce qu’elles s’y prêtent mieux, qu’elles se contentent de peu de nourriture sans risquer de mourir brusquement, que leurs racines s’allongent rapidement et permettent d’en constituer des tiges aériennes portant la ramure à une grande distance du pot.
En général, les végétaux à feuillage caduc ne produisent pas la même impression. Toute rapetissée et rachitique que soit leur ramure, les feuilles tendent à se développer assez grandes et ils paraissent alors des végétaux pour qui la loi des proportions n’existe pas. Les Conifères donnent au contraire toujours l’illusion de paraître, en dehors de tout point de repère qui puisse révéler leurs dimensions réelles, de véritables réductions d’arbres géants car le feuillage reste en parfaite harmonie avec la ramure.
Les végétaux autres que les Conifères les plus utilisés sont les : Érable (Acer Negundo, A.palmatum, A. trifidum et autres espèces à feuillage découpé), Rhyncospermum japonicum, Kiyaki (Nous conservons les noms japonais pour quelques arbres.) (Planera Richardi), Chêne, (Quercus cuspidataetQ. phylliræoides), Prunier (Prunus MumeetP. Kaido), Tokaïdo, Styraxjaponica, Lagerstrœmia indica; Cycasrevoluta,
Cratægus cuneata, Tsutsuyé, Tsukuyé et Satsughé (Azalea indicaet variétés), Nindow (Chèvrefeuille), Glycine (Wistaria), Bambou, Kaïdo, Zelkowa Keaki, Evonymus alatus, Lierre, Kirisima (Cydonia japonica), Grenadier, Cerisier à fleurs, Ficus nipponica, Pittosporum Tobira Trachelospermum jasminoides etc, Ternstroemia japonica, etc.
— Importations d’arbres nains.
C’est en 1878 que l’on vit pour la première fois en France une collection d’arbres japonais, qui furent apportés pour l’Exposition Universelle par M. Kasavara. En 1889 une autre collection, moins importante, fut aussi exposée tandis qu’en 1900, on n’en vit que quelques exemplaires dans le jardin japonais au Trocadéro.
L’importation, dont les sujets présentés à l’Exposition d’Horticulture de Paris et ont été vendus en juin à l’hôtel Drouot, avait été faite en mars; tous les sujets étaient dans des caisses, ils ont été successivement rempotés dans des jardinières-potiches et dans des plateaux.
Les 173 numéros du catalogue et une trentaine d’autres sujets de cette vente ont atteint pour la plupart, des prix élevés.
Ce sont principalement les Conifères, et notamment les Thuyas, et après les Pins, qui ont été les plus disputés ; certains Thuyas, au début de leur formation, ont trouvé acquéreurs à plus de 100 francs.
A titre de curiosité nous donnerons la mise à prix et la somme à laquelle ont été adjugés les principaux spécimens. Un Thuya mis à prix à 100 francs a atteint celui de 425 ; un autre à 200 francs, adjugé 530 francs ; un Pin 100 francs, adjugé 300 francs ; un Erable nain 100 francs, adjugé 280 francs ; un Podocarpe (podocarpus) 150 francs, adjugé 300 francs ; un Thuya 350 francs, adjugé 630, etc. Mais le record a été détenu par les spécimens suivants : un Thuya, spécimen d’arrangement Mikoshi, âgé d’environ 200 ans a trouvé preneur à 1.120 francs ; le Pin dressé par Magoyémon, mis à prix à 600 francs, a été adjugé 900 francs, il était catalogué 2.500 francs à l’exposition Bing ; enfin, un Thuya, spécimen d’arrangement Jikki, qui était étiqueté
2.000 francs chez Bing, mis à prix à 600 francs, a monté à 1.310 francs, c’est vrai que le catalogue lui donne 250 ans! Notons qu’il faut ajouter à ces prix 10 0/0 pour les frais. L’adjudication la moins élevée a été pour un Cerisier, puisqu’il n’a atteint que 13 francs.
Les Anglais semblent se passionner pour ces arbres, ce qui explique les fréquentes et considérables importations qui ont lieu dans ce pays depuis quelques années. Le roi Édouard possède même des exemplaires uniques auxquels il s’intéresse particulièrement.
CHAPITRE II.
PROCÉDÉS JAPONAIS DE NANISATION DES ARBRES
I. Semis et éducation. –
II. Arrangement des branches. –
III. Suppressions et mutilations des racines. –
IV. Dressement des vieux arbres. –
V. Arbres aux racines aériennes. –
VI. Torsions du tronc et des branches. –
VII. Rôle du greffage. –
VIII. Simulacre du greffage. –
— Semis et éducation.
Le semis est peut-être le moyen d’obtenir des arbres se pliant le mieux aux exigences du jardinier japonais, mais c’est aussi le plus long.
Les graines, choisies parmi les plus maigres et les plus petites de chaque espèce, sont semées dans de petits pots et dans une terre maigre. Aussitôt les jeunes plantes levées, un pincement est pratiqué au-dessus des deux cotylédons de façon à provoquer la naissance de deux bourgeons cotylédonaires qui sont de beaucoup moins vigoureux que le bourgeon central, et dont le plus chétif est seul conservé. Le développement de ce bourgeon évolue d’une façon très lente dans ce vase de dimensions restreintes avec cette privation de nourriture et les arrosages distribués juste pour ne pas laisser la jeune plante périr. Dès qu’il s’allonge, on lui fait prendre la forme tourmentée d’un S ou on le contourne de différentes façons ; ou bien encore lorsqu’il se lignifie et qu’on l’a rendu très flexible par une privation d’eau qui le fait faner, on fait plusieurs noeuds comme s’il s’agissait d’une ficelle. Cette opération, surtout pratiquée sur les Pins, contrarie le développement et fait prendre des proportions inusitées au collet (fig. 6). Dès que les ramifications se développent, celles conservées sont tordues, attachées de bonne heure et au fur et à mesure de leur élongation, entre elles ou au tronc, de façon à leur donner une direction irrégulière, sinueuse, en zigzags, tout en les maintenant dans un plan vertical oblique ou horizontal, suivant la forme visée.
— Arrangement des branches.
Les pincements souvent répétés et les liens nombreux de fil de laiton presque invisibles ou de fibres de bambou très fin aident la régularisation et le maintien de la forme que ces arbres doivent avoir.
Lorsqu’un rameau meurt on en choisit un autre ou on pourvoit à son remplacement par le greffage.
Dans beaucoup de cas, et surtout pour les Conifères, il faut contourner l’axe du jeune arbre autour d’un support, comme on le fait pour une plante volubile. C’est ce qui explique la direction en spirale qu’ont certains troncs de Chamæcyparis et surtout ceux des Pins. Le support employé est, soit un gros tronc de Bambou, qui est ensuite enlevé, soit un tronc de Fougère, soit encore un fragment de roche poreuse, de polypier, de madrépore, qui est conservé, dont le faciès contourné est en harmonie avec celui des arbres. Beaucoup de ces pygmées importés en Europe avaient été élevés de cette façon et les rameaux étaient incrustés dans la roche ou dans le morceau de tronc qui constituait leur support.
On conçoit qu’en opérant ainsi les vaisseaux s’atrophient en entravant la circulation de la sève. Dès lors, le jeune arbre devient difforme ou plutôt prend une forme tourmentée ou telle qu’on la désire.
— Suppressions et mutilations des racines.
Cette végétation rachitique est encore plus accusée par la privation de nourriture et surtout par l’espace restreint dans lequel les racines s’allongent, évoluent et qu’elles ont vite fait de remplir, en s’échappant même au dehors. On les change bien de vases, à plusieurs années d’intervalle, mais ceux-ci n’étant guère plus grands, la végétation ne s’en ressent aucunement.
Le sectionnement total ou partiel du pivot et les mutilations des racines principales menées de front avec celles de la ramure sont pour beaucoup dans le résultat. Même s’il n’était pas fait de suppression de racines, le pivot, ou racine principale, gêné dans son développement, ne tarderait pas à s’atrophier ou à être détruit ; les radicelles, gênées également, ne pourraient se développer assez vite ni en quantité suffisante, pour puiser dans le sol les éléments nutritifs nécessaires à l’alimentation normale de la plante.
La conséquence de ce premier traitement est une réduction générale très notable dans le port de la plante qui continue néanmoins à vivre, chétivement et péniblement. Ce fait est d’ailleurs observé, d’une façon moins prononcée, dans les cultures européennes pour les plantes que l’on a négligé de rempoter en temps utile.
— Dressement des vieux arbres.
Malgré l’opiniâtreté et la patience qu’ils apportent à la formation des arbres obtenus de semis, les japonais veulent, dans beaucoup de cas, aller plus vite en besogne.
Ils recherchent dans les montagnes, sur le flanc des rochers et dans les parties boisées, des végétaux déjà rabougris, tordus, échevelés, couchés sous l’effort des tourmentes, auxquels la
situation où ils croissent a déjà imprimé des formes curieuses, irrégulières ou pittoresques, ou bien encore ils choisissent dans les cultures et dans les pépinières quelques sujets qui paraissent se prêter à un dressement qu’ils considèrent rationnel et se mettent en devoir de les préparer.
Comme l’appareil radiculaire de ces végétaux est de beaucoup trop développé pour tenir dans les vases minuscules qui leur sont destinés, toutes les grosses racines sont supprimées et les autres, conservées en quantité juste pour empêcher l’arbre de périr, raccourcies notablement. Le but de cette opération est de réduire considérablement la végétation.
Ils les rempotent en laissant, lorsque le sujet s’y prête, une partie de la souche hors de terre dans des vases de taille exigue et les maintiennent dans une position analogue à celle qu’ils occupaient, veillent à l’établissement des branches, conservent celles qui sont contournées et suppriment les inutiles qui nuisent au bon effet de l’ensemble.
D’autres sont courbées, tordues ; les vides sont comblés de façon que tout en conservant le caractère pittoresque, la forme visée puisse être obtenue. Par la suite, ils procèdent successivement aux torsions, contournent celles trop vigoureuses ou qui prennent une mauvaise direction, comme s’il s’agissait d’arbres obtenus de semis. Les racines n’ayant qu’un espace très restreint pour se développer, la nourriture étant rare, les arrosages parcimonieux, ces arbres étant, de plus, exposés aux rayons brûlants du soleil, restent chétifs et rabougris.
— Arbres aux racines aériennes.
Pour beaucoup de végétaux les racines, comprimées dans les limites très étroites d’un vase, s’échappent et font saillie au-dessus du sol. En déchaussant celles-ci davantage par l’enlèvement graduel de la terre, le tronc se trouve soulevé et le départ de la tige est donc
soutenu dans l’air par elles de 0m10 à 0m50 au-dessus de la potiche à la façon des plantes épiphytes et des Pandanusdont la partie inférieure du tronc s’est trouvée détruite (fig. 8, 9 et 13).
Mais l’obtention de ces longues et frêles racines aériennes est due, dans la majorité des cas, à un traitement différent qui est appliqué dès le semis des graines. Voici comment il a été rapporté à différentes reprises : Chaque semence est placée au milieu d’une ouverture très étroite d’un récipient aux parois résistantes, dans un mélange de fibres de Palmier, de mousse, de débris d’étoffe et de poudre de charbon de bois. Cette graine germe, la plantule sort et s’élève par cette ouverture, tandis que les racines se développent et décrivent de multiples circonvolutions dans ce milieu spacieux. On arrose aussi souvent que cela est nécessaire.
Comme les matières nutritives font plutôt défaut, le jeune arbre, dont les rameaux sont contournés en hélice, ou bien dirigés en de nombreux lacets et boucles, retenus par une profusion de ligatures, ne peut grandir. Cela n’empêche pas les racines de toujours s’allonger, en quête de nourriture, en se ramifiant à leur extrémité.
Lorsque les jardiniers japonais jugent qu’elles sont suffisamment longues, la jeune plante est enlevée, ses racines dépliées, la base est enterrée dans un vase aux dimensions restreintes; développées verticalement et soutenues par des tuteurs, elles portent à une certaine hauteur au-dessus de la jardinière une ramure des plus minces. Par la suite, l’air, les vents, la privation d’eau, les hâlent et les durcissent en rendant plus difficile l’ascension des liquides dans des vaisseaux rétrécis encore atrophiés en partie par ces multiples circonvolutions, ce qui donne à
l’arbre un aspect encore plus rabougri, une apparence quelque peu fantastique comme quelque chose d’irréel et de chimérique.
Ce sont ces racines démesurément allongées hors du sol comparativement aux dimensions de l’arbuste qui supportent une tige minuscule dont rien n’indique le point de départ, aux ramifications rares, chétives, tordues et retenues entre elles par de multiples attaches.
Le dessin de l’arbre nain représenté sur la couverture de cette plaquette montre la silhouette exacte d’un des sujets dressés de cette façon.
Plus les végétaux sont vigoureux, plus nombreux et plus radicaux sont les retranchements et les raccourcissements des racines principales, ainsi que les privations de nourriture et d’arrosages, les recépages du tronc, rabattages et torsions des branches.
— Torsions du tronc et desbranches.
La vigueur des Pins n’est arrêtée qu’à la suite de nombreux recépages, de torsions et de nœuds sur la branche conservée, c’est ce qui explique ces moignons et ces nodosités que l’on remarque sur certains Pins, et d’où ne part qu’un frêle rameau, à la végétation languissante et au feuillage parsemé, se dirigeant en hélice (fig. 6) après avoir contourné ces excroissances et avoir été ramené plusieurs fois sur lui-même. Les ramifications sont elles-mêmes repliées et maintenues dans cette position par une infinité de petites attaches faites de laiton fin ou de fibres de bambou.
La mutilation des grosses racines souvent répétée pour les arbres déjà âgés dont on commence le dressement, et l’atrophie partielle des petites, pour ceux obtenus de semis, établit l’équilibre avec la ramure.
Quel que soit l’arbre ainsi dressé, les rameaux contournés, repliés sur eux-mêmes soit en serpentant, soit en hélice, paraissent trois à quatre fois moins longs qu’ils le sont réellement et toutes ces contorsions mettent un obstacle à la végétation, les vaisseaux se trouvant écrasés dans cette position.
Les japonais s’astreignent aussi, pour certains arbres, à intervertir l’ordre normal de la distribution des branches, en favorisant le développement de grosses branches dans la partie supérieure et en ne conservant que les plus frêles à la base.
— Rôle du greffage.
Le greffage joue un rôle prépondérant dans la formation des arbres pygmées, ainsi que le simulacre de greffage de deux genres distincts.
A force de tourmenter les rameaux, certains d’entre eux meurent ; pour les remplacer, les japonais ont recours au greffage. Souvent même toutes les branches sont coupées, et sur le tronc noueux ils apposent un certain nombre de greffes afin de pouvoir diriger cet arbre en harmonie avec leurs aspirations.
Mais, c’est principalement pour le dressement des Podocarpus que le greffage est largement mis en œuvre. Ils impriment à cet arbre la forme pyramidale un peu méplate avec les bords relevés, ce qui donne vaguement à sa partie essentielle l’apparence d’un bicorne.
A cet effet, des Podocarpus macrophyllus, dont le tronc a déjà 0m06 à 0m10 de diamètre, sont rempotés dans des vases minuscules, décapités à une hauteur de 0m40 à 0m60 au-dessus du sol. Sur ce tronc absolument dénudé, on pose en tête cinq or six greffes en couronne et, sur presque toute la hauteur, des greffes de côté ou en approche, en nombre suffisant, et
convenablement distancées pour une formation rationnelle, d’une autre espèce ou variété, notamment de celles à feuillage panaché.
Les rameaux frêles sont attachés ensemble au fur et à mesure de leur élongation, pincés, entrelacés, formant des pyramides plus ou moins régulières ayant l’aspect d’un petit chapeau napoléonien.
Les Erables sont surtout intéressants à cause des greffages qui leur sont appliqués. Deux Erables de variétés différentes sont plantés dans un même vase. A 0m15 au-dessus du sol, les deux sujets sont rapprochés horizontalement et greffés par une série de torsades, suivant la même ligne ; puis, ils reprennent leur direction verticale et sont encore de nouveau soudés plus haut de la même façon et à plusieurs reprises en formant ainsi comme une suite de chaînons représentant assez exactement le sommet de la hampe d’un étendard romain.
Quand ces arbustes sont arrivés à une certaine hauteur, les japonais y posent encore une série de greffes par approche de plusieurs autres variétés et obtiennent ainsi une grande diversité dans la forme et la coloration du feuillage d’un même sujet.
— Simulacre de greffage.
Les amateurs et jardiniers nippons s’appliquent surtout à dissimuler les greffes normales ; mais, par contre, ils mettent bien en évidence des semblants de greffage anormaux qui, aux yeux des personnes non initiées, donnent l’illusion de véritables soudures et représentent des anomalies et des monstruosités. C’est ainsi que l’on a pu voir, parmi les exemplaires mis en vente à l’hôtel Drouot, des Pins entés sur des Érables et réciproquement, qui, en réalité, étaient
simplement le résultat d’un simulacre de greffage, fort bien exécuté, d’ailleurs, puisque tout le monde s’extasiait devant l’habileté et la science de ces jardiniers.
Dans un même vase ils plantent côte et greffent en approche les deux sujets. Comme l’un des deux a généralement plus de vigueur, en poussant il entoure et recouvre l’autre en partie, dont le pied n’apparaît presque plus, de sorte qu’il semble être le résultat d’une véritable greffe.
Dans d’autres cas, on fait contourner la tige de l’Erable par celle du jeune Pin plus flexible ; comme on le ferait avec un osier et on les noue tous deux ensemble. Avec le temps la tige du Pin s’aplatit autour de celle de l’Erable et forme un bourrelet qui dissimule complètement la base de cette dernière. Ils usent du même stratagème pour deux genres distincts de Conifères.
CHAPITRE III
UTILISATION, TRAITEMENT ET CONSERVATION DES ARBRES PYGMÉES EN EUROPE
I. Utilisation décorative. –
II. Conservation des sujets importés. –
III. Tailles et pincements. –
IV. Rempotages et surfaçages. –
V. Engrais. –
VI. Hivernage et traitement des Conifères. –
VII. Hivernage et traitement des végétaux à feuillage caduc. –
— Utilisation décorative.
Sans assimiler le rôle ornemental que ces curieux végétaux peuvent jouer dans le décoration des appartements et des jardins, à celui que remplissent les plantes utilisées à cet effet, ils peuvent produire dans beaucoup de cas des effets fort curieux.
On peut très bien ménager dans un coin du jardin une petite scène japonaise, dans laquelle leur silhouette s’harmonisera parfaitement avec les autres sujets utilisés. A défaut de scène de ce genre, leur dissémination dans le gazon, où le faciès de quelques-uns surmontant et couronnant une roche à la façon des plantes saxatiles, aura quelque chose d’oriental. Mais c’est principalement dans la décoration de la maison que leur élégante bizarrerie, empreinte de mièvrerie, est la mieux mise en relief, parmi les bibelots japonais à bas prix, ou les merveilles d’art lointain et les broderies orientales, qui envahissent maintenant nos demeures. Les exemplaires les plus curieux peuvent fort bien être placés d’une façon intermittente sur le guéridon du boudoir, sur la cheminée du cabinet de travail ou sur quelque colonnade orientale.
N’oublions pas qu’en Angleterre principalement, on fait concourir certains sujets particulièrement curieux à la décoration des tables. Il y a évidemment certaines essences, telles que les Erables, qui ne sont aucunement déplacées dans ces conditions.
— Conservation des sujets importés.
Il convient d’examiner si ces végétaux peuvent vivre en Europe. Notre climat, pourtant différent de celui du Japon, ne saurait malgré cela être un obstacle à la conservation en bon état des arbres lilliputiens. En Angleterre on est arrivé à maintenir en excellente santé de nombreux spécimens de ces arbres et même à les faire prospérer d’une façon parfaite. Le roi Edouard en possède des spécimens superbes dans sa propriété de Sandringham. En France, M. de Montesquiou a collectionné de magnifiques Thuyas qui depuis 1889 n’ont guère grandi, mais qui, par contre, sont des modèles de vigueur et de rusticité.
Beaucoup de personnes les considèrent absolument comme des plantes d’appartement et c’est là une erreur qui entraînera la perte d’un certain nombre. Ces arbres, au contraire, sont pour la plupart des végétaux de plein air et doivent être placés dans un endroit mi-ombragé, soit au jardin, soit sur une terrasse.
Rien n’empêche de les porter de temps à autre et d’une façon intermittente, dans le salon à titre de curiosité et pour tirer parti de leur caractère décoratif, mais on doit les sortir ensuite.
— Tailles et pincements.
Afin de conserver à ces arbres leur forme primitive, il est nécessaire de pratiquer, chaque printemps, des tailles rigoureuses et, pendant l’été, des pincements sévères, principalement sur les espèces à feuillage caduc dont quelques bourgeons, malgré l’espace restreint réservé aux racines, tendent souvent à s’emporter au détriment des autres et détruisent l’harmonie de la forme.
Les Erables et autres végétaux à feuillage caduc sont d’abord rabattus rigoureusement au mois de février ; puis, dans le courant de la végétation, les pousses sont pincées (d’autant plus sévèrement qu’elles sont plus vigoureuses) dans les limites assignées par la forme de l’arbre et au-dessus de deux à quatre feuilles ; les pousses qui se développent à la suite de cette opération sont elles-mêmes traitées de la même façon.
Les rameaux vigoureux des : Pêchers, Pruniers, Cerisiers, Grenadiers, Lagerstrœmia indica, etc., sont rabattus en février alors que les brindilles florifères ne le seront qu’après la floraison. La Glycine, qui est très vigoureuse, est pincée à diverses reprises au-dessus de quatre à cinq feuilles, afin de provoquer une floraison continue ; il en est de même pour le Chèvrefeuille.
Les Conifères en général, à l’exception des Pins, dont on ne pince pas les bourgeons trop longs pour conserver leur forme restreinte, ont toutes leurs ramifications pincées pendant la végétation.
Les autres arbustes à feuillage persistant comme les Azalées, sont pincés et taillés après la floraison, lorsque celle-ci a lieu au printemps ; dès le mois de février si l’épanouissement des fleurs est très tardif.
— Rempotages et surfaçages.
On ne doit pas, sous prétexte de leur fournir de la nourriture, rempoter les arbres nains dans des récipients trop grands, encore moins les mettre en pleine terre ; la nature aurait alors vite fait de reprendre ses droits et il n’y aurait guère que les Conifères qui garderaient à peu près leur forme minuscule. Pour que ces arbres restent nains, il est nécessaire de maintenir les racines dans des limites très étroites.
Le changement de terre peut être fait tous les trois à cinq ans et encore emploie-t-on le même récipient ou un autre imperceptiblement plus grand. Le sujet étant enlevé de sa jardinière la motte est dégagée sur son pourtour de la vieille terre, comme on le fait pour la majorité des plantes cultivées en pots ; on en profite pour supprimer les racines qui tendraient à prendre
trop de développement. Le vase étant bien drainé, on y place la motte et la plante bien en équilibre, sur un peu de nouveau compost, puis on glisse ce même compost dans le vide du pourtour en appuyant régulièrement à l’aide d’une baguette afin de combler tous les interstices. On doit prendre les mêmes précautions que s’il s’agissait de Bruyères ou de plantes de la Nouvelle-Hollande. Ce compost peut être un mélange de terreau de feuilles, de terre de bruyère et de terre de jardin.
La meilleure époque pour procéder au rempotage est le mois de février-mars, avant le départ de la végétation. Après un certain nombre de rempotages dans un même vase, l’arbre ayant quelque peu grossi il faut le mettre dans un plus grand, mais le plus juste possible étant donné que l’on vise surtout à la petitesse de la plante.
Pour les sujets cultivés dans des jardinières peu profondes, cuvettes basses ou plateaux, on procède annuellement au surfaçage en enlevant la partie supérieure du vieux sol et en la remplaçant par du neuf afin que la végétation normale des plantes se maintienne. La même opération peut être faite pour les sujets dont on voudrait retarder le rempotage d’une année.
Naturellement, un arrosage copieux, facilitant l’adhérence de l’ancienne et de la nouvelle terre doit suivre chaque rempotage ou surfaçage.
— Engrais.
Il est bon de faire chaque année quelques applications d’engrais doux aux arbres qui n’ont pas été rempotés. Ces distributions se font deux fois par mois de mars à juin en les évitant pendant les mois chauds, l’automne et l’hiver.
Celui qui convient le mieux est une poudre fine de tourteaux et d’os calcinés. La quantité à donner par plante est d’environ trois cuillerées à café par jardinière de 0m30 de diamètre et une demi-cuillerée pour celles de 0m10 à 0m12. Il n’y a donc qu’à proportionner la dose pour les tailles intermédiaires. Cette poudre est parsemée sur la surface du sol ; l’eau des arrosages dissout et porte les matières nutritives aux racines.
— Hivernage et traitement des Conifères.
En général les arbres à feuillage persistant ou caduc peuvent supporter la température extérieure pendant la mauvaise saison ; mais en raison des vases qui les contiennent, ils se trouvent plus exposés à souffrir des atteintes du froid. Il est donc plus prudent de les hiverner dans un local éclairé où on ne fait pas de feu, en ayant soin d’aérer fréquemment ; on les sort de temps à autre lorsqu’il ne gèle pas et en n’oubliant pas de le faire presque journellement dès février-mars, afin de ne pas provoquer une végétation trop hâtive qui serait étiolée.
Il convient principalement de leur épargner l’âpre morsure des gelées printanières tardives, au moment où la sève gonfle les bourgeons.
Pendant le printemps et l’été, les Chamæcyparis obtusa sont disposés dans une situation éclairée et aérée ; on arrose juste suffisamment pour que la terre se maintienne fraîche en évitant une trop grande humidité, ou une sécheresse persistante, l’excès ou le manque d’eau étant également nuisibles. Pendant l’hiver les arrosages doivent être distancés.
Ces arbres peuvent fort bien orner une terrasse, un perron, un balcon, à condition de ne pas les exposer continuellement à un soleil brûlant.
Lorsqu’on les fait concourir à la décoration des pièces, on doit les sortir dès qu’ils ne sont plus nécessaires et ne pas manquer de les placer chaque nuit dehors.
Les divers Pins, tout en étant moins influencés par les agents extérieurs, peuvent être traités ainsi, mais leurs feuilles tombent plus vite et ils souffrent d’avantage d’un séjour par trop prolongé dans l’appartement.
Les Azalées et autres arbustes à feuillage persistant s’accommodent fort bien du traitement des
Chamæcyparis, en les plaçant toutefois à une exposition moins ensoleillée.
— Hivernage et traitement des végétaux à feuillage caduc.
Les indications énumérées dans le paragraphe précédent trouvent leur application pour cette catégorie d’arbustes. Les Erables peuvent fort bien passer l’hiver dans les endroits abrités, mais il est plus prudent, s’il n’en est pas ainsi, de les mettre à l’abri dans un local frais dès la chute des feuilles, qui correspond avec la fin de l’automne. On ne doit pas laisser la terre complètement sèche en hiver, et l’été il convient d’arroser suffisamment pour ne pas provoquer la chute anticipée des feuilles.
De bonne heure au printemps, on les place en plein air à une situation bien exposée, afin d’obtenir un feuillage robuste et résistant, tenant mieux en appartement.
Ajoutons que pendant les fortes chaleurs estivales, les légers bassinages du feuillage faits le soir ne peuvent être que favorables à une végétation régulière et normale.
La taille printanière des rameaux de l’année précédente et les pincements sévères et successifs pendant l’été ne doivent pas être omis pour la série des arbustes à feuillage caduc, dont certains bourgeons tendent toujours à se développer vigoureusement au détriment de la forme générale et des autres plus frêles.
OUVRAGES ET PUBLICATIONS DU MÊME AUTEUR
L’Art floral à travers les siècles. Paris 1900. Édition de luxe et artistique, in-12 raisin, illustré de 1 planche en couleurs et 19 planches hors texte en photogravure, tirées à part, et de 68 gravures noires.
La Mosaïculture pratique, 3eédit. Paris 1901. (4eédit. Paris 1902). 1 vol. in-12 illustré de 2 pl. en couleurs et de 135 fig. Ouvrage récompensé de médailles de vermeil, de grandes médailles d’argent, etc., et de diplômes d’honneur, etc.
L’Art du Fleuriste. Paris 1898, 1 vol. in-12 orné de 83 fig. 240 p., — Récompensé de médailles de vermeil et d’argent des Sociétés d’Horticulture d’Epernay, Société nationale d’Horticulture de France, Société d’Horticulture de Seine-et-Oise.
Culture des fleurs par les enfants et par les ouvriers. Mémoire couronné par le Congrès d’Horticulture de Paris en 1897, (gr. in-8 20 p.).
Les Fleurs à travers les âges. Conférence faite à l’Hôtel de Ville d’Amiens, sous le patronage de la Société d’Horticulture de Picardie. Amiens 1898 (gr. in-8 16p.).
Des Styles et des Genres de l’ornementation des jardins et leur application. Mémoire couronné par le Congrès d’Horticulture de Paris en 1898 (gr. in-8 17p.).
Les Bouquets et Garnitures florales à l’Exposition d’Horticulture de Paris en 1898(gr. in-8 15 p., 1 pl. noire).
Les plantes de plein air et leur utilisation dans la décoration des jardins et des appartements. Versailles 1899. (gr. in-8 11 p.). Couronné par la Société d’Horticulture de Seine-et-Oise.
L’Art d’associer les fleurs dans les compositions florales. Troyes 1898. Broch. (gr. in-8 de 24 p.)
Le Nouveau Manuel pratique de Jardinage et d’Horticulture(avec la collaboration de M. Claude Trébignaud). Paris 1900. 1 vol. in-12 de 965 pages, illustré de 275 fig. (honoré d’une souscription de M. le Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts.)et couronné par la Société Nationale d’Horticulture( Prix Joubert de l’Hyberderie).
Nouvelle méthode de culture forcée des arbustes soumis à l’action de l’éther et des anesthésiques. Paris 1902. (1 broc. in-12, illustrée de nombreuses gravures).
Notes sur l’Ornementation des Jardins, Paris 1902. 1 broch. in-12 de 64 p., illustrée de 1 planche hors texte et de 14 grav.
883. – Lib. et Imp. horticoles, 84bis, rue de Grenelle. Paris.
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Les textes et illustrations de cet ouvrage Français de 1902 rare, ont été numérisées & retouchées en 2018 par JY LAMUSSET