La toute première exposition permanente publique de bonsaï a vu le jour en Europe en 1989 au Parc Floral de Paris. Elle mérite plus qu’une visite ! Elle reste aussi une porte ouverte sur le monde du bonsaï, à l’heure où l’incertitude règne encore sur l’organisation d’expositions en cette année 2021.
En 2019, le Parc Floral de Paris fêtait un double anniversaire : son demi-siècle et les trente ans de son pavillon des bonsaïs. Sa collection de bonsaïs est l’une des rares expositions de cette qualité encore accessible librement aujourd’hui et la seule dans la Capitale. De nombreux bonsaï-ka passionnés s’y rendent chaque année depuis trois décennies. Le pavillon attire également des visiteurs du monde entier, qui découvrent ainsi la délicatesse de cet art millénaire.
Une majorité de feuillus
De nombreux bonsaïs sont ici l’œuvre d’Alain Barbier, le premier responsable de la collection qui comptait alors 80 arbres en pot. Notons une forêt d’épicéas créée en 2010 à partir de plants de pépinière ; un très bel érable Shishigashira, d’environ 25 ans lorsqu’il est récupéré après une exposition au Parc Floral, en 1994 ; un superbe paysage de montagne « ishitsuki » entièrement créé en 2012 à partir de boutures de Juniperus chinensis et de Thuya prélevés dans le parc. Deux Schefflera totalement atypiques, qu’Alain Barbier avait récupéré dans une sculpture après un événement, se trouvent dans le pavillon des arbres tropicaux. La sculpture creuse était très profonde, ce qui explique les racines aériennes incroyables qu’ils possèdent. La collection se compose désormais d’environ 70 bonsaïs, dont une majorité de feuillus : beaucoup d’érables du Japon (Acer palmatum), mais aussi un très joli érable de Buerger (Acer buergerianum) sur roche et des satsuki (azalées japonaises) dont la majeure partie vient de dons de la ville japonaise de Kanuma en 2008. Les résineux sont de belle facture : un pin noir de Thunberg (Pinus thunbergii) plus que centenaire, un Juniperus rigida bicentenaire, une forêt de pins blancs du Japon. Une vingtaine d’arbres tropicaux occupent le pavillon intérieur numéro 16 par lequel on accède à la collection.
Au début, le parc
L’histoire du Parc Floral de Paris commence pendant qu’à Paris la révolte étudiante érige des barricades et retourne les pavés pour y trouver la plage, en mai 1968. Au même moment, à Vincennes, des ouvriers remuent 100 000 m2 de terre pour y faire naître la Vallée aux fleurs. Le Parc Floral de Paris est inauguré en 1969 pour accueillir les troisièmes Floralies internationales et l’ambassade du Japon dépêche quelques experts en bonsaï qui présente des arbres en provenance de l’archipel nippon. Un jardin japonais est créé pour l’occasion et des carpes koï sont présentées dans les bassins attenants. Élaboré sur des terrains militaires dans le bois de Vincennes, devenu propriété de la Ville de Paris en 1860, le Parc Floral est aujourd’hui l’un des quatre pôles du Jardin Botanique de la Ville de Paris, qui comprend le parc de Bagatelle, le jardin des Serres d’Auteuil et l’Arboretum de Paris.
Deux pavillons
Dix-neuf ans après l’inauguration du Parc Floral de Paris, et suite au succès de la première grande manifestation française consacrée aux bonsaïs en 1984, au Muséum National d’Histoire Naturelle du Jardin des Plantes, l’exposition « Bonsaï, sculptures vivantes » est initiée par la Mairie de la Capitale. Nous sommes en 1988 et j’ai treize ans. La direction des parcs et jardins de la ville de Paris s’associe à Rémy Samson, paysagiste et professionnel du bonsaï incontournable en France à l’époque, pour créer un événement entièrement consacré aux bonsaïs, au Parc Floral de Paris. Plus de 500 arbres en pot de 100 espèces différentes seront présentés sur 1 600 m2. L’événement est une vraie réussite ! Fort de l’énorme succès de cette exposition, Jean-Pierre Lartigau, agent de maîtrise au Parc floral, initie la création d’un espace consacré aux bonsaïs dans les pavillons 15 et 16 du parc. Il se tourne naturellement vers l’entreprise de Rémy Samson pour fournir une bonne partie des premiers arbres du pavillon.
Un manque de soins
Les bonsaïs nécessitent des soins très spécifiques et quotidiens en fonction des espèces, c’est pourquoi les jardiniers en charge de la collection les premières années, sans formations adaptées, peinent à entretenir les arbres dans des conditions optimales. En effet, de 1989 jusqu’à fin mai 1992, sur les 30 spécimens achetés, une douzaine d’arbres sont morts !
Au début des années 1990, Alain Barbier, bonsaï-ka et ancien employé de Rémy Samson, est déjà en relation avec les jardiniers du parc. Il leur distille gracieusement des conseils d’entretien et de soin. C’est en 1992 qu’il intègre le Parc floral de Paris en qualité de responsable des bonsaïs jusqu’à sa retraite en 2016. À son départ, commence une période de flottement de quelques années, durant laquelle la direction du Parc Floral de Paris a toutes les peines du monde à trouver parmi les jardiniers de la ville de Paris des personnes ayant des appétences pour cet art millénaire. Hsiu Lann Fourtinon et Jean-Jacques Courtecuisse se portent volontaires pour entretenir les bonsaïs qui souffrent cruellement de manque de soins adéquats. Ils font alors tout leur possible pour entretenir au mieux la collection. Depuis fin 2020, et sur mes recommandations, JP Hoareau, professionnel du bonsaï, intervient sur la collection en tant que consultant pour l’entretenir et lui redonner son éclat : « Les arbres ont un certain âge et beaucoup de potentiel, mais malheureusement il y a eu un manque de travail à une certaine période. Le côté esthétique pêche un peu et c’est pour cela que je vais intervenir sur cette collection. » Jean-Yves Moreau, responsable des jardiniers du Parc Floral de Paris, qui a participé à ce recrutement, se réjouit :
« L’avenir du pavillon des bonsaïs, c’est de s’allier avec les professionnels. L’idée est que des professionnels interviennent sur les arbres plusieurs fois par an pour ne pas perdre le niveau de la collection. Cette collection appartient à tout le monde, et j’aimerais que toute la communauté du bonsaï français vienne ici pour échanger avec le grand public. »
Alain Barbier devient le premier responsable des bonsaïs du Parc floral de Paris de 1992 à début 2016. En 1991, il part en stage au Japon chez Hiroyoshi Yamaji, expert en pins blancs du Japon et exportateur, à Takamatsu dans la préfecture de Kagawa. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur le bonsaï.
« J’ai eu beaucoup de difficultés à faire comprendre à mes responsables que l’entretien des bonsaïs, ce n’est pas simplement un arrosage et deux coups de ciseaux de temps en temps. La deuxième difficulté fut les permanences du week-end. Je me suis heurté à l’incompétence de certains jardiniers qui arrosaient à ma place le samedi et le dimanche. En un week-end d’été, ce genre d’évènements a été fatal pour quelques bonsaïs. Ensuite il m’a fallu batailler fort pour obtenir une bonne surveillance et une canalisation des flux importants des visiteurs. À force de persévérance, la collection a acquis au fur et à mesure des années une certaine notoriété. Tout ceci conforta l’ensemble des responsables du Parc Floral que nous étions sur la bonne voie ! Hélas, quelques années avant mon départ, la situation s’est dégradée petit à petit avec la contraction du personnel de surveillance, le manque d’intérêt pour les collections horticoles au profit des collections dites « botaniques » et la suppression totale des traitements. »
Vieux de 225 ans
La collection de bonsaïs du Parc floral de Paris fait partie de notre patrimoine au même titre que des bâtiments classés ou des œuvres d’art. Perdus dans ce parc de 35 hectares, ces bonsaïs regardent les années s’écouler paisiblement grâce aux soins apportés par le personnel. Le plus vieil arbre de la collection est un Juniperus rigida, avec un « jin » extraordinaire, acheté en 1996 chez Hiroyoshi Yamaji, producteur et exportateur de bonsaï à Takamatsu. C’est un yamadori, un arbre prélevé dans la région de Kyoto, que Hiroyoshi Yamaji et Alain Barbier ont estimé à 200 ans d’âge, avec une trentaine d’années de culture en pot avant son arrivée en France au pavillon des bonsaïs. Du haut de ses 225 années, le vénérable arbre en pot veille tranquillement sur ce lieu exceptionnel au cœur du tumulte parisien. Avant la période de confinement due à la pandémie de Covid-19, des écoles de la ville de Paris et de villes mitoyennes venaient régulièrement visiter le pavillon des bonsaïs. Exactement comme je le faisais, enfant avec ma mère. Aujourd’hui, j’y emmène ma fille de 10 ans, et je souhaite sincèrement qu’il lui soit possible à elle aussi d’y emmener ses propres enfants un jour.
Informations : Parc floral de Paris – Route de la Pyramide 75012 Paris
https://www.paris.fr/equipements/parc-floral-de-paris-1
Entrée : tarif plein 2,50 €, tarif réduit 1,50 €, gratuit pour les moins de 7 ans. Conditions tarifaires complètes sur le site internet.